Simon CHABROL, 32 ans

Écriture et recherche indépendante (FR/EN)

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Derek Jarman in 1976 (Keith Milow, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons)

Derek Jarman (1942–1994) — from his real name Michael Derek Elworthy Jarman — was a British filmmaker well-known for his successful adaptation of the 1963 recorded-opera Britten’s War Requiem with the movie “War Requiem” (1989) and also for his experimental movie “The Last of England” (1987) — a metaphorical vision of England featuring Tilda Swinton, the from which I discovered Jarman’s works. He was well-known in England for his versatility and his works in several fields : poetry, writing, stage designing and even gay activism. He died of AIDS in 1994. Most of his films were never released outside of the English speaking world — and probably outside of England, despite Jarman’s works being celebrated in his own country. From “Sebastiane” (1976) to his final “Blue” (1993) : two decades of British and Queer films.

Derek Jarman (1942–1994) — de son vrai nom Michael Derek Elworthy Jarman — était un cinéaste britannique connu pour son adaptation réussie de l’opéra enregistré en 1963, Britten’s War Requiem, avec le film “War Requiem” (1989) et pour son film expérimental “Last of England” (1987), une vision métaphorique de l’Angleterre mettant en scène Tilda Swinton, qui m’a fait découvrir l’œuvre de Jarman. Il était connu en Angleterre pour sa polyvalence et ses travaux dans plusieurs domaines : poésie, écriture, scénographie et même militantisme gay. Il est décédé du sida en 1994. La plupart de ses films ne sont jamais sortis en dehors du monde anglophone — et probablement en dehors de l’Angleterre, bien que les œuvres de Jarman soient célébrées dans son propre pays. De “Sebastiane” (1976) à son dernier film “Blue” (1993) : deux décennies de cinéma britannique et queer.

Sebastiane (1976)

BANDE-ANNONCE – Sebastiane (1976)

Jarman’s debut feature, Sebastiane, reimagines the story of Saint Sebastian as an erotic meditation on desire, faith, and repression. Set in a sun-drenched Roman outpost and filmed entirely in Latin, the film fuses classical imagery with a bold exploration of homoeroticism rarely seen in British cinema of the time. Its sensual cinematography and subversive spirituality established Jarman as both a provocateur and a visual poet.

Le premier long métrage de Jarman, Sebastiane, réinvente l’histoire de Saint Sébastien sous la forme d’une méditation érotique sur le désir, la foi et la répression. Se déroulant dans un avant-poste romain baigné de soleil et entièrement tourné en latin, le film fusionne des images classiques avec une exploration audacieuse de l’homoérotisme rarement vue dans le cinéma britannique de l’époque. Sa cinématographie sensuelle et sa spiritualité subversive ont fait de Jarman à la fois un provocateur et un poète visuel.

1976 UK

The mid-1970s in Britain were marked by economic crisis, inflation, and a wave of strikes that reflected deep social unrest. Politically, the Labour government struggled to maintain order as traditional authority waned. Artistically, the punk movement erupted — raw, defiant, and transformative. Experimental cinema and underground art began to merge, paving the way for radical voices like Derek Jarman.

Le milieu des années 1970 au Royaume-Uni est marqué par une crise économique, une inflation galopante et de nombreuses grèves révélant un profond malaise social. Politiquement, le gouvernement travailliste peine à maintenir la stabilité tandis que l’autorité traditionnelle s’effrite. Artistiquement, le punk surgit — brut, provocateur, libérateur. Le cinéma expérimental et l’art underground s’unissent, préparant le terrain pour des voix radicales comme celle de Derek Jarman.

Jubilee (1978)

TRAILER – Jubilee (1978)
In Jubilee, Jarman merges punk anarchy with historical fantasy, as Queen Elizabeth I travels forward in time to witness a decaying, nihilistic Britain ruled by violence and disillusionment. Featuring punk icons like Jordan and Adam Ant, the film captures the spirit of rebellion that defined late-1970s London. It’s both a love letter and an indictment — celebrating the energy of punk while mourning the cultural collapse it reveals.

Dans Jubilee, Jarman mêle l’anarchie punk à la fantaisie historique, alors que la reine Elizabeth I voyage dans le temps pour découvrir une Grande-Bretagne en déclin, nihiliste, régie par la violence et la désillusion. Mettant en scène des icônes punk telles que Jordan et Adam Ant, le film capture l’esprit rebelle qui caractérisait le Londres de la fin des années 1970. À la fois déclaration d’amour et réquisitoire, il célèbre l’énergie punk tout en déplorant l’effondrement culturel qu’il révèle.

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1978 UK

Britain descended into the “Winter of Discontent,” with strikes and frustration shaking the country. Queen Elizabeth II’s Jubilee offered hollow celebration amid economic decay. The punk explosion reached its peak, transforming London into a scene of creative anarchy. Artists and filmmakers mirrored this disintegration through collage, performance, and shock aesthetics.

Le Royaume-Uni s’enfonce dans la « Winter of Discontent », marquée par les grèves et la colère populaire. Le Jubilé de la reine Élisabeth II tente d’afficher une unité illusoire au milieu du déclin économique. Le punk atteint son apogée et fait de Londres un foyer d’anarchie créative. Les artistes et cinéastes traduisent ce chaos par le collage, la performance et la provocation visuelle.

The Tempest (1979)

Jarman’s adaptation of Shakespeare’s The Tempest transforms the play into a lush, dreamlike fantasia filled with baroque imagery and queer undertones. His Prospero is less a figure of control than a melancholic magician presiding over a crumbling world. The film’s closing sequence — a haunting performance of “Stormy Weather” by Elisabeth Welch — is one of Jarman’s most memorable fusions of music, theater, and myth.

L’adaptation par Jarman de La Tempête de Shakespeare transforme la pièce en une fantaisie luxuriante et onirique, remplie d’images baroques et de sous-entendus queer. Son Prospero est moins une figure de contrôle qu’un magicien mélancolique présidant un monde en ruine. La séquence finale du film, une interprétation envoûtante de « Stormy Weather » par Elisabeth Welch, est l’une des fusions les plus mémorables de Jarman entre musique, théâtre et mythe.

1979 UK

Margaret Thatcher’s election reshaped Britain: neoliberal reforms, moral conservatism, and industrial decline. The nation’s optimism quickly gave way to division. In art, nostalgia collided with rebellion — heritage cinema versus avant-garde experimentation. Jarman’s poetic vision stood in opposition to this new rigidity, turning decay into art.

L’élection de Margaret Thatcher transforme le Royaume-Uni : réformes néolibérales, conservatisme moral, déclin industriel. L’espoir laisse place à la fracture sociale. Dans l’art, la nostalgie affronte la rébellion — le cinéma patrimonial contre l’avant-garde. Jarman oppose à cette rigidité nouvelle une vision poétique où la ruine devient matière artistique.

Caravaggio (1986)

Perhaps Jarman’s most acclaimed film, Caravaggio is a highly stylized biographical portrait of the Baroque painter. Mixing period detail with anachronistic elements (typewriters, motorcycles), Jarman presents the artist as a rebel whose sensuality and violence mirror his art. The film’s painterly lighting and tableaux vivants echo Caravaggio’s chiaroscuro, turning each frame into a living canvas. It’s both a meditation on art and an assertion of queer identity.

Peut-être le film le plus acclamé de Jarman, Caravaggio est un portrait biographique très stylisé du peintre baroque. Mêlant détails d’époque et éléments anachroniques (machines à écrire, motos), Jarman présente l’artiste comme un rebelle dont la sensualité et la violence reflètent son art. L’éclairage pictural et les tableaux vivants du film font écho au clair-obscur de Caravaggio, transformant chaque image en une toile vivante. C’est à la fois une méditation sur l’art et une affirmation de l’identité queer.

1986 UK

Thatcherism had fully defined the decade: privatization, consumerism, and “family values.” The AIDS epidemic spread rapidly, sparking fear and censorship. Artists responded with sensual, symbolic, and rebellious works. British art embraced postmodernism — baroque, ironic, and intensely personal.

Le thatchérisme domine pleinement la décennie : privatisations, culte de la consommation et retour aux « valeurs familiales ». L’épidémie de sida s’étend, attisant peur et censure. Les artistes répliquent par des œuvres sensuelles, symboliques et rebelles. L’art britannique s’imprègne d’un postmodernisme baroque, ironique et profondément intime.

The Last of England (1987)

TRAILER – The Last of England (1987)
The Last of England marks Jarman’s descent into apocalyptic vision. Combining Super 8 footage, poetic voiceovers, and violent montage, the film portrays Britain as a collapsing, post-industrial wasteland consumed by Thatcher-era despair. More collage than narrative, it’s a personal lament for lost ideals — of art, love, and nationhood. This is Jarman at his most experimental and politically raw.

The Last of England marque l’entrée de Jarman dans une vision apocalyptique. Combinant des images tournées en Super 8, des voix off poétiques et un montage violent, le film dépeint la Grande-Bretagne comme un désert post-industriel en ruine, rongé par le désespoir de l’ère Thatcher. Plus collage que récit, c’est une complainte personnelle sur la perte des idéaux — de l’art, de l’amour et de la nation. C’est Jarman à son apogée expérimentale et politiquement brute.

1987 UK

Thatcher’s third victory confirmed conservative power. Britain faced growing inequality, urban decay, and nuclear anxiety. Experimental cinema flourished as resistance — fragmentary, poetic, political. Jarman and others used the camera as a protest tool, transforming despair into visionary art.

La troisième victoire de Thatcher confirme la domination conservatrice. Le pays souffre d’inégalités croissantes, de la désindustrialisation et de la peur nucléaire. Le cinéma expérimental devient un acte de résistance : fragmenté, poétique, politique. Jarman et d’autres utilisent la caméra comme arme de protestation, transformant le désespoir en art visionnaire.

War Requiem (1989)

Using Benjamin Britten’s monumental War Requiem, Jarman crafts a silent, visual interpretation of war and memory starring Laurence Olivier in his final screen appearance. The film interweaves Britten’s music with Wilfred Owen’s poetry, juxtaposing beauty and horror. It’s an elegiac, almost sacred film — deeply pacifist, profoundly mournful, and visually transcendent.

À partir du monumental War Requiem de Benjamin Britten, Jarman élabore une interprétation visuelle et silencieuse de la guerre et de la mémoire, avec Laurence Olivier dans son dernier rôle à l’écran. Le film entremêle la musique de Britten et la poésie de Wilfred Owen, juxtaposant beauté et horreur. C’est un film élégiaque, presque sacré, profondément pacifiste, profondément triste et visuellement transcendant.

1989 UK

As the Berlin Wall fell, Britain remained caught between nationalism and decline. War memories resurfaced in art, music, and film, often infused with pacifism and mourning. The AIDS crisis deepened, giving artistic expression a tone of elegy and defiance.

Alors que le mur de Berlin s’effondre, le Royaume-Uni reste partagé entre nationalisme et déclin. Le souvenir des guerres resurgit dans l’art, la musique et le cinéma, imprégné de pacifisme et de deuil. L’épidémie de sida s’aggrave, donnant à la création artistique une dimension élégiaque et combative.

Edward II (1991)

In Edward II, Jarman adapts Marlowe’s play through a distinctly queer lens, transforming the tragic love between the king and Piers Gaveston into a powerful statement about gay rights. By incorporating modern costumes, protest imagery, and police brutality, he connects medieval persecution to contemporary homophobia. The result is both politically urgent and emotionally resonant — a landmark in queer cinema.

Dans Edward II, Jarman adapte la pièce de Marlowe à travers un prisme résolument queer, transformant l’amour tragique entre le roi et Piers Gaveston en un puissant plaidoyer pour les droits des homosexuels. En incorporant des costumes modernes, des images de protestation et des scènes de brutalité policière, il établit un lien entre la persécution médiévale et l’homophobie contemporaine. Le résultat est à la fois politiquement urgent et émotionnellement fort, un film qui fait date dans le cinéma queer.

1991 UK

Queer activism surged in reaction to Section 28, which banned the “promotion of homosexuality.” Artists turned anger into visibility through film, performance, and street protest. The New Queer Cinema movement took shape, reclaiming history and identity with pride and fury.

Le militantisme queer s’intensifie en réaction à la Section 28, qui interdit la « promotion de l’homosexualité ». Les artistes transforment la colère en visibilité à travers le cinéma, la performance et la protestation. Le mouvement du New Queer Cinema émerge, réinventant l’histoire et l’identité avec fierté et rage.

Wittgenstein (1993)

TRAILER – Wittgenstein (1993)
This minimalist biopic presents philosopher Ludwig Wittgenstein’s life as a series of witty, stylized tableaux against a black backdrop. Jarman strips biography to its philosophical essence, focusing on language, logic, and desire. The film’s humor and theatrical simplicity recall Brecht as much as the British camp, making it one of Jarman’s most intellectually playful works.

Ce biopic minimaliste présente la vie du philosophe Ludwig Wittgenstein sous la forme d’une série de tableaux stylisés et pleins d’esprit sur fond noir. Jarman réduit la biographie à son essence philosophique, en se concentrant sur le langage, la logique et le désir. L’humour et la simplicité théâtrale du film rappellent autant Brecht que le camp britannique, ce qui en fait l’une des œuvres les plus intellectuellement ludiques de Jarman.

Blue (1993)

TRAILER – Blue (1993)
Jarman’s final film, Blue, is a masterpiece of radical simplicity. As he was going blind from AIDS-related complications, he created a film consisting only of a single screen of luminous blue, accompanied by a soundscape of voices and memories. The result is deeply moving — a meditation on death, love, and artistic persistence in the face of disappearance. Blue stands as Jarman’s ultimate act of courage and transcendence.

Le dernier film de Jarman, Blue, est un chef-d’œuvre d’une simplicité radicale. Alors qu’il perdait la vue à cause de complications liées au sida, il a créé un film composé uniquement d’un écran bleu lumineux, accompagné d’un paysage sonore de voix et de souvenirs. Le résultat est profondément émouvant : une méditation sur la mort, l’amour et la persévérance artistique face à la disparition. Blue est l’acte ultime de courage et de transcendance de Jarman.

1993 UK

By 1993, the AIDS epidemic had devastated a generation, yet activism brought new strength and solidarity. British art turned toward introspection and minimalism, anticipating the Young British Artists. Jarman’s final works embodied resistance through fragility — transforming silence and loss into pure light.

En 1993, le sida a ravagé toute une génération, mais le militantisme a forgé une nouvelle solidarité. L’art britannique se tourne vers l’introspection et le minimalisme, annonçant les Young British Artists. Les dernières œuvres de Jarman incarnent une résistance fragile — transformant le silence et la perte en lumière pure.

Miscellaneous

To conclude this retrospective on Derek Jarman, here are several fragments of Derek Jarman preserved by the British Film Institute. First one, an interview of Derek Jarman himself.

The original trailer of the 1990 movie “The Garden” — an arthouse movie about a loving gay couple.

An evocative and radical visualisation of Shakespeare’s love poems imagined by Derek Jarman, and read by Julie Dench.

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