Simon CHABROL

Écriture et recherche indépendante (FR/EN)

Technicien de support IT

I have had a special interest since my teenage years for Russia and especially the Soviet Union for unknown reasons : a whole collection of photographic books about the country, history books, the memoirs of Gorbatchev… I even took a few Russian lessons at a local institute in my hometown. By luck, I discovered an essay regarding Soviet cinema during the Perestroika/Glasnost era (“The Path of Soviet Cinema to Great Changes and Freedom from the Period of “Stagnation” to “Perestroika”, Alena Ianushko) and watched several of them like “A Visitor to a Museum” (1989 by Konstantin Lopushansky) — the director is well-known for another post-apocalyptic movie released in 1986 “Dead Man’s Letters”. I also watched nearly all the movies made by Andreï Tarkovski.

Depuis mon adolescence, je m’intéresse particulièrement à la Russie et surtout à l’Union soviétique, sans trop savoir pourquoi : j’ai toute une collection d’albums photos sur ce pays, des livres d’histoire, les mémoires de Gorbatchev… J’ai même pris quelques cours de russe dans un institut local de ma ville natale. Par chance, j’ai découvert un essai sur le cinéma soviétique à l’époque de la perestroïka et de la glasnost (« Le chemin du cinéma soviétique vers de grands changements et la liberté, de la période de « stagnation » à la « perestroïka », Alena Ianushko) et j’ai regardé plusieurs films, comme « Un visiteur au musée » (1989, de Konstantin Lopushansky). — le réalisateur est bien connu pour un autre film post-apocalyptique sorti en 1986, « Dead Man’s Letters». J’ai également regardé presque tous les films réalisés par Andreï Tarkovski.

Three books from my collection: a sociological study on Russian/Soviet women (1988), a Russian language textbook provided by my professor at the local institute, and a photography book entitled “One Day in the Life of the Soviet Union” (1987) / Trois livres de ma collection : une étude sociologique sur les femmes russes/soviétiques (1988), un manuel de russe fourni par mon professeur à l’institut local et un livre de photographies intitulé “Une journée dans la vie de l’Union Soviétique” (1987)

The period was difficult for the Soviet Union, ultimately leading to the demise of the first communist country in history. How were these changes reflected in the Soviet movies at the time ?

Cette période fut difficile pour l’Union soviétique et conduisit finalement à la chute du premier pays communiste de l’histoire. Comment ces changements se reflétaient-ils dans les films soviétiques de l’époque ?

From left to right : “Little Vera”, “A Visitor to a Museum” and “Dead Man’s Letters” posters / De gauche à droite : affiches « Little Vera », « A Visitor to a Museum » et « Dead Man’s Letters »

It was difficult to get a copy of the movie “Urga” by Nikita Mikhalkov — producer of “Burnt by the Sun I watched too. From my perspective, “Urga” is typical of these late Soviet Union periods. Unlike other stereotypical propaganda movies such as ‘Battleship Potemkin”, the era saw many controversial movies released. The most famous being “Little Vera” (1989, Vasili Pichul), one of the first Soviet/Russian movies with a sex scene — something scandalous in the late 80s Soviet Union — and also extremely critical of living/working conditions in the Soviet Union.

Il était difficile de se procurer une copie du film « Urga » de Nikita Mikhalkov, le producteur de « Soleil trompeur » que j’ai également vu. À mon avis, « Urga » est représentatif de cette période de la fin de l’Union soviétique. Contrairement à d’autres films de propagande stéréotypés tels que « Le Cuirassé Potemkine », cette époque a vu la sortie de nombreux films controversés. Le plus célèbre est « La Petite Véra » (1989, Vasili Pichul), l’un des premiers films soviétiques/russes à contenir une scène de sexe — ce qui était scandaleux dans l’Union soviétique de la fin des années 80 — et qui critiquait également de manière très virulente les conditions de vie et de travail en Union soviétique.

For historical context, the Soviet Union in early 90s was in near total disarray and underway for a complete disintegration. Luckily : the collapse is more of a transformative process than an exploding one like in Yugoslavia. Several things occurred during these two years 1990 and 1991. Article 6 of the Soviet constitution is abrogated. The article was as followed :

Pour replacer les choses dans leur contexte historique, au début des années 90, l’Union soviétique était en proie à un désordre quasi total et en voie de désintégration complète. Heureusement, cet effondrement s’apparente davantage à un processus de transformation qu’à une explosion comme celle qui a eu lieu en Yougoslavie. Plusieurs événements se sont produits au cours de ces deux années 1990 et 1991. L’article 6 de la Constitution soviétique a été abrogé. Cet article était libellé comme suit :

The leading and guiding force of the Soviet society and the nucleus of its political system, of all state organisations and public organisations, is the Communist Party of the Soviet Union. The CPSU exists for the people and serves the people.

The Communist Party, armed with Marxism–Leninism, determines the general perspectives of the development of society and the course of the home and foreign policy of the USSR, directs the great constructive work of the Soviet people, and imparts a planned, systematic and theoretically substantiated character to their struggle for the victory of communism.

All party organisations shall function within the framework of the Constitution of the USSR


Le Parti communiste de l’Union soviétique est la force motrice et directrice de la société soviétique, ainsi que le noyau de son système politique, de toutes les organisations étatiques et publiques. Le PCUS existe pour le peuple et sert le peuple.

Armé du marxisme-léninisme, le Parti communiste détermine les perspectives générales du développement de la société et l’orientation de la politique intérieure et étrangère de l’URSS, dirige le grand travail constructif du peuple soviétique et confère un caractère planifié, systématique et théoriquement fondé à sa lutte pour la victoire du communisme.

Toutes les organisations du parti fonctionnent dans le cadre de la Constitution de l’URSS.

These final years are marked by several clashes between a crumbling state and Soviet republics. The Soviet Union enacted a blockade of the Baltic states between April and July 1990 to crush the independence movements. The Caucasus has witnessed extremely violent events, especially the Nagorno-Karabakh conflict since 1988 and the “Black January” in 1990. The latter was a special Soviet army operation to crackdown on protests for independence in Baku (Azerbaijan) leading to the deaths of nearly 200 people. Several anti-Armenian programs affected the region, like the Sumgait pogrom in 1988. With Boris Yeltsin elected as the head of the RSFSR (Russian Soviet Federative Socialist Republic), the biggest Soviet republic at the time, conflicts and disagreements were growing between him and Gorbatchev. Along these critical events, the whole Soviet Union economy was collapsing : foreign debts, shortages, decreased productivity…

Ces dernières années sont marquées par plusieurs affrontements entre un État en déliquescence et les républiques soviétiques. L’Union soviétique a mis en place un blocus des États baltes entre avril et juillet 1990 afin d’écraser les mouvements indépendantistes. Le Caucase a été le théâtre d’événements extrêmement violents, notamment le conflit du Haut-Karabakh depuis 1988 et le « Janvier noir » en 1990. Ce dernier était une opération spéciale de l’armée soviétique visant à réprimer les manifestations pour l’indépendance à Bakou (Azerbaïdjan), qui a fait près de 200 morts. Plusieurs programmes anti-arméniens ont affecté la région, comme le pogrom de Soumgaït en 1988. Avec l’élection de Boris Eltsine à la tête de la RSFSR (République socialiste fédérative soviétique de Russie), la plus grande république soviétique de l’époque, les conflits et les désaccords entre lui et Gorbatchev se sont intensifiés. Parallèlement à ces événements critiques, l’économie de l’ensemble de l’Union soviétique s’effondrait : dettes extérieures, pénuries, baisse de productivité…

From left to right : Dunshabee riots, protests against the Baltic blockade and footage taken of the Sumgait pogrom / De gauche à droite : émeutes de Dunshabee, manifestations contre le blocus de la Baltique et images filmées du pogrom de Soumgait.

Even on extremely controversial themes at the time, like “Famine-33” by Oles Yanchuk about the 1930s Ukraine Famine, or “Intergirl” by Pyotr Todorovsky — one of the most popular Soviet movies at the time. Movies were the reflection of this period : people were willing to discuss many things previously censored, even extremely sensitive ones like the Tsar assassination or the Holodomor.

Même sur des thèmes extrêmement controversés à l’époque, comme « Famine-33 » d’Oles Yanchuk sur la famine ukrainienne des années 1930, ou « Intergirl » de Piotr Todorovsky, l’un des films soviétiques les plus populaires de l’époque. Les films reflétaient cette période : les gens étaient prêts à discuter de nombreux sujets auparavant censurés, même ceux extrêmement sensibles comme l’assassinat du tsar ou l’Holodomor.

A still from “Famine-33” : harvest under soldiers guard / Une image tirée de « Famine-33 » : récolte sous la surveillance des soldats

“Urga” story revolved around a small Mongolian family of five (Gombo, his wife, their three children and his mother) and their challenges in the face of modernity. One of the issues is that Gombo and his wife want to have a child, but Chinese laws prohibit them from doing so. The only solution is for Gombo to go to the nearby town to buy condoms or other contraceptives : a major taboo for these traditional people, and nearly a shame for Gombo. The movie is renowned for its beautiful cinematic scene : the beautiful and endless Mongolia steppes.

L’histoire « Urga » tournait autour d’une petite famille mongole de cinq personnes (Gombo, sa femme, leurs trois enfants et sa mère) et des défis auxquels ils étaient confrontés face à la modernité. L’un des problèmes est que Gombo et sa femme souhaitent avoir un enfant, mais les lois chinoises leur interdisent d’en avoir. La seule solution pour Gombo est de se rendre dans la ville voisine pour acheter des préservatifs ou d’autres contraceptifs : un tabou majeur pour ces personnes traditionnelles, et presque une honte pour Gombo. Le film est réputé pour ses magnifiques scènes cinématographiques : les belles et infinies steppes mongoles.

That’s not typical for a Soviet movie, set apart by a few examples like “White Sun of the Desert” (1970, Vladimir Motyl) — a cult Soviet western filmed in Central Asia and well known for its impressive landscapes — and “Dersu Uzala” (1975, Akira Kurosawa) — a Sino-Japanese movie about the famous Nanai explorer with the same name.

Ce n’est pas typique d’un film soviétique, à l’exception de quelques exemples comme « Le Soleil blanc du désert » (1970, Vladimir Motyl) , western soviétique culte tourné en Asie centrale et célèbre pour ses paysages impressionnants, et « Dersou Ouzala » (1975, Akira Kurosawa), un film sino-japonais sur le célèbre explorateur nanai du même nom.

Urga could also be worth viewing for documenting the life of a traditional Mongolian family living in a typical yurt. The story is both beautiful and difficult — it depicts the struggle between the desire for a child and the constraints of society.

Urga vaut également le détour pour son portrait de la vie d’une famille mongole traditionnelle vivant dans une yourte typique. L’histoire est à la fois belle et difficile, car elle dépeint le conflit entre le désir d’avoir un enfant et les contraintes de la société.

On the left : Mongolian revolution (1990). On the right : Soviet tanks taking position on the Red Square during the Coup d’Etat attempt in 1991 / À gauche : Révolution mongole (1990). À droite : Chars soviétiques prenant position sur la Place Rouge lors de la tentative de coup d’État en 1991.

While the movie is filmed in Inner Mongolia (China), let’s discuss the fate of a small nearby country during the late 80s/early 90s : Mongolia. The country was — and still is — quite isolated. Mongolia was a communist country from 1924 to 1992. It was more of a satellite country both for the Soviet Union and China. The country was heavily dependent on trade with the Eastern bloc countries. While several efforts were made to improve the economy, social standards and foreign ties : Mongolia remained an isolated country. Like in many communist countries, efforts were put in place to combat traditional lifestyle. For traditional Mongolians, it meant forced settlement for nomadic people — a social disaster for people accustomed to their lifestyle and unable to cope with an urban lifestyle. Collectivization of herds — the main agricultural activity, as Mongolian soil is too poor for large scale cropping — was not really successful. The luck for Mongolia was — and still is— its large reserves of minerals: gold, copper, fluorite, zinc… The collapse of the communist regime in Mongolia was not widely publicized at the time as the country was isolated, and because the events in China, Eastern Europe and in the Soviet Union were far more impactful. The Mongolian Revolution, on the otherside, was relatively peaceful — the country had already moved to a market economy.

Alors que le film est tourné en Mongolie intérieure (Chine), parlons du sort d’un petit pays voisin à la fin des années 80 et au début des années 90 : la Mongolie. Ce pays était — et est toujours — assez isolé. La Mongolie a été un pays communiste de 1924 à 1992. Elle était plutôt un pays satellite tant pour l’Union soviétique que pour la Chine. Le pays dépendait fortement du commerce avec les pays du bloc de l’Est. Bien que plusieurs efforts aient été faits pour améliorer l’économie, les normes sociales et les relations étrangères, la Mongolie est restée un pays isolé. Comme dans de nombreux pays communistes, des efforts ont été déployés pour lutter contre le mode de vie traditionnel. Pour les Mongols traditionnels, cela signifiait la sédentarisation forcée des nomades, un désastre social pour des personnes habituées à leur mode de vie et incapables de s’adapter à la vie urbaine. La collectivisation des troupeaux, principale activité agricole, le sol mongol étant trop pauvre pour permettre une culture à grande échelle, n’a pas vraiment été couronnée de succès. La chance de la Mongolie était, et est toujours, ses importantes réserves de minéraux : or, cuivre, fluorine, zinc… L’effondrement du régime communiste en Mongolie n’a pas été largement médiatisé à l’époque, car le pays était isolé et parce que les événements en Chine, en Europe de l’Est et en Union soviétique avaient un impact beaucoup plus important. La révolution mongole, en revanche, a été relativement pacifique, le pays étant déjà passé à une économie de marché.

On the left : forced yurt settlements in the outskirts of Ulaanbaatar (1972). On the right : railway station in Darkhan (1985) / À gauche : campements de yourtes forcés dans la banlieue d’Oulan-Bator (1972). À droite : gare ferroviaire de Darkhan (1985)

When analysed through historical lens, the movie is extremely peaceful while the period was undoubtedly troubled : 1991 is the year of Soviet Union collapse. Mongolia was a communist country at the time and faced a peaceful revolution too leading to the downfall of the communist regime. The movie is something of an “out-of-time” experience for the viewers during this period. Two years ago in 1989, the Tiananmen protest was crushed by Chinese authorities.

Analysé sous l’angle historique, le film est extrêmement paisible alors que la période était sans aucun doute troublée : 1991 est l’année de l’effondrement de l’Union soviétique. La Mongolie était alors un pays communiste et a également connu une révolution pacifique qui a conduit à la chute du régime communiste. Le film offre aux spectateurs une expérience quelque peu « hors du temps » pendant cette période. Deux ans auparavant, en 1989, la manifestation de Tiananmen avait été réprimée par les autorités chinoises.

Gombo and his herd / Gombo et son troupeau

The apparent calm is going to be disturbed with the unexpected meeting of Sergei : a Russian driver. While driving his truck, Sergei falls asleep, misses the road, and his truck falls in a nearby river. He met with Gombo, and the pair became friends. Sergei is taken to Gombo’s yurt and discovers the traditional life of a Mongolian family. The shock is not for Gombo’s family but for Sergei : he discovers a completely different world. This is one of the most interesting aspects of the movie: it is a Soviet/Russian film that does not celebrate modernity (something important in several past movies) but an old and barely surviving world (struggling, and far more traditional and conservative).

Le calme apparent va être perturbé par la rencontre inattendue avec Sergei, un chauffeur routier russe. Au volant de son camion, Sergei s’endort, quitte la route et tombe dans une rivière voisine. Il rencontre Gombo, et les deux hommes deviennent amis. Sergei est emmené dans la yourte de Gombo et découvre la vie traditionnelle d’une famille mongole. Le choc n’est pas pour la famille de Gombo, mais pour Sergei : il découvre un monde complètement différent. C’est l’un des aspects les plus intéressants du film : il s’agit d’un film soviétique/russe qui ne célèbre pas la modernité (un thème important dans plusieurs films précédents), mais un monde ancien et à peine survivant (en difficulté, et beaucoup plus traditionnel et conservateur).

Something interesting when we look at Soviet movies made during the 1990–1991 period. Some of them are extremely raw and brutal. With a lift on political restrictions, several movies were released at the time on “Dedovshchina” — typical and growing violence within the Soviet army against young conscripts leading to deaths or severe injuries — like “The Guard” (1990, Aleksandr Rogozhkin) or “100 days before command” (1990, Hussein Erkenov). The Soviet defeat in Afghanistan was discussed too with the movie “Afghan Breakdown” (1991, Vladimir Bortko). Even a parodic movie about Stalin was released in 1987 “Repentance”. Made by Tengiz Abuladze in 1984, it was banned from screening in the Soviet Union until 1987 for criticism of Stalinism. One of my favorite movie of that time and typical of this era : Satan (1991, Viktor Aristov). The plot is centered around Vitaly, a young man who displays clean and respectable social appearances, while being a murderer.

Il est intéressant de noter que certains films soviétiques réalisés entre 1990 et 1991 sont extrêmement crus et brutaux. Avec la levée des restrictions politiques, plusieurs films ont été réalisés à cette époque sur le thème de la « dedovchtina » — violence typique et croissante au sein de l’armée soviétique à l’encontre des jeunes conscrits, entraînant des morts ou des blessures graves — comme « La Garde » (1990, Aleksandr Rogozhkin) ou « 100 jours avant le commandement » (1990, Hussein Erkenov) . La défaite soviétique en Afghanistan a également été abordée dans le film « Afghan Breakdown » (1991, Vladimir Bortko). Même un film parodique sur Staline est sorti en 1987, « Repentance ». Réalisé par Tengiz Abuladze en 1984, il a été interdit de projection en Union soviétique jusqu’en 1987 pour avoir critiqué le stalinisme. L’un de mes films préférés de cette époque et typique de cette période : Satan (1991, Viktor Aristov). L’intrigue est centrée sur Vitaly, un jeune homme qui affiche une apparence sociale irréprochable et respectable, tout en étant un meurtrier.

Sergei driving his truck before crashing into the river / Sergei conduisant son camion avant de tomber dans la rivière

The pair decide to go to the nearby town together (Hulunbuir, Inner Mongolia, China). Sergei wants to see his girlfriend. Gombo has a mission : buy condoms for him and his wife. While not linked to the story, the city scenes are interesting for several reasons : you can see a Chinese city in the late 80s/early 90s.

Le duo décide de se rendre ensemble dans la ville voisine (Hulunbuir, Mongolie intérieure, Chine). Sergei veut voir sa petite amie. Gombo a une mission : acheter des préservatifs pour lui et sa femme. Bien qu’elles ne soient pas liées à l’histoire, les scènes urbaines sont intéressantes à plusieurs égards : elles permettent de découvrir une ville chinoise à la fin des années 80/début des années 90.

Gombo inside the drugstore / Gombo dans la pharmacie

Several things are characteristic of a country still transitioning from a state-command economy to a more market oriented economy : typical shops, stereotypical working suits, soldiers with old uniforms… A world that has vanished today in China.

Plusieurs éléments caractérisent un pays encore en transition entre une économie planifiée et une économie davantage axée sur le marché : des magasins typiques, des costumes de travail stéréotypés, des soldats en uniformes défraîchis… Un monde qui a aujourd’hui disparu en Chine.

Street scenes in Hulunbuir / Scènes de rue à Hulunbuir

Contrary to the Soviet Union, China is on its way to a massive economic growth and rise to superpower status. Since 1978, China has adopted the “Reform and opening up” policy initiated by Deng Xiaoping. This shift was decided following the failure of the Great Leap Forward in 1958. The Chinese economy was stagnating, poverty was rampant and inefficiency was widespread. While the Soviet Union economy was under pressure in the 1980s, the Chinese economy is progressively improving and the country is becoming a major manufacturing hub for outsourcing companies across the world. Despite these changes, political tensions were rising. Contrary to what occurred in the Soviet Union, the Chinese leadership stayed faithful to the hardliners stance (politically) while opening up the country economically. What happened was a massive crackdown on political movements and protests. The culminating point was the Tiananmen Square protests in 1989. The Chinese government, while concerned by the public impact because of the ongoing Sino-Soviet summit, decided to crackdown the protests at the Tiananmen Square by using soldiers and tanks. 300 people died.

Contrairement à l’Union soviétique, la Chine est en passe de connaître une croissance économique massive et d’accéder au statut de superpuissance. Depuis 1978, la Chine a adopté la politique de « réforme et d’ouverture » initiée par Deng Xiaoping. Ce changement a été décidé à la suite de l’échec du Grand Bond en avant en 1958. L’économie chinoise stagnait, la pauvreté était endémique et l’inefficacité généralisée. Alors que l’économie soviétique était sous pression dans les années 1980, l’économie chinoise s’améliore progressivement et le pays devient un pôle industriel majeur pour les entreprises de sous-traitance du monde entier. Malgré ces changements, les tensions politiques s’intensifiaient. Contrairement à ce qui s’est passé en Union soviétique, les dirigeants chinois sont restés fidèles à la ligne dure (sur le plan politique) tout en ouvrant le pays sur le plan économique. Il s’ensuivit une répression massive des mouvements politiques et des manifestations. Le point culminant fut atteint avec les manifestations de la place Tiananmen en 1989. Le gouvernement chinois, préoccupé par l’impact public en raison du sommet sino-soviétique en cours, décida de réprimer les manifestations de la place Tiananmen en utilisant des soldats et des chars. 300 personnes trouvèrent la mort.

From left to the right : protesters in Tiananmen Square, a market in Kashgar with a slogan saying “adhere to Reform and Opening policy” and a picture of Pu Zhiqiang (a student protester at the time) / De gauche à droite : manifestants sur la place Tiananmen, marché à Kashgar avec un slogan appelant à « adhérer à la politique de réforme et d’ouverture » et photo de Pu Zhiqiang (étudiant manifestant à l’époque).

Gombo is on his way to accomplish his mission. He enters a drugstore to be met by nearly six women in front of him. Gombo is both shy and ashamed and walks away. He wanders in the city and finally finds a merry-go-round with small Soviet MiG-21 fighter planes as seats. He goes round several times until he screams with fear and wants to get back on the ground. Later, they met in a nightclub. That’s one of my most touching moments of the movie : Sergei is allowed to sing a Russian song “On the Hills of Manchuria”. Here are the lyrics :

Gombo est en route pour accomplir sa mission. Il entre dans une pharmacie où il se retrouve face à près de six femmes. Gombo, à la fois timide et honteux, s’éloigne. Il erre dans la ville et finit par trouver un manège dont les sièges sont de petits avions de chasse soviétiques MiG-21. Il fait plusieurs tours jusqu’à ce qu’il hurle de peur et veuille redescendre. Plus tard, ils se retrouvent dans une boîte de nuit. C’est l’un des moments les plus émouvants du film : Sergei est autorisé à chanter une chanson russe intitulée « On the Hills of Manchuria » (Sur les collines de Mandchourie). Voici les paroles :

Around us, it is calm; Hills are covered by mist,
Suddenly, the moon shines through the clouds,
Graves hold their calm.
The white glow of the crosses — heroes are asleep.
The shadows of the past circle around,
Recalling the victims of battles.
Dear mother is shedding tears,
The young wife is weeping,
All like one are crying,
Cursing fate, cursing destiny!
Around us, it’s calm; The wind blew the fog away,
Warriors are asleep on the hills of Manchuria
And they cannot hear the Russian tears.
Let sorghum’s rustling lull you to sleep,
Sleep in peace, heroes of the Russian land,
Dear sons of the Fatherland.
Dear mother is shedding tears,
The young wife is weeping,
All like one are crying,
Cursing fate, cursing destiny!
You fell for Russia, perished for Fatherland,
Believe us, we shall avenge you
And celebrate a bloody wake!


Autour de nous, tout est calme ; les collines sont couvertes de brume,
Soudain, la lune brille à travers les nuages,
Les tombes restent silencieuses.
La lueur blanche des croix — les héros dorment.
Les ombres du passé tournent en rond,
Rappelant les victimes des batailles.
La mère chérie verse des larmes,
La jeune épouse pleure,
Tous pleurent à l’unisson,
Maudissant le sort, maudissant le destin !
Autour de nous, tout est calme ; le vent a dissipé le brouillard,
Les guerriers dorment sur les collines de Mandchourie
Et ils ne peuvent entendre les larmes russes.
Que le bruissement du sorgho vous berce,
Dormez en paix, héros de la terre russe,
Chers fils de la patrie.
La chère mère verse des larmes,
La jeune épouse pleure,
Tous pleurent à l’unisson,
Maudissant le destin, maudissant la fatalité !
Vous êtes tombés pour la Russie, vous avez péri pour la patrie,
Croyez-nous, nous vous vengerons
Et célébrerons une veillée sanglante !

While drunk, Sergei is finally forced out of a nightclub and arrested by the police. While Gombo was unable to buy condoms, he bought a TV and a bicycle. On his way to the yurt, Gombo met something of a dreamlike vision : Genghis Khan with his army and his wife. How to interpret the scene ? As a criticism of modernity (during the scene, the TV is destroyed) and/or as a reminder for Gombo of his origins (something he should be proud of) ? The movie is silent, and the viewer is free to believe what suits him/her.

Alors qu’il est ivre, Sergei est finalement expulsé d’une boîte de nuit et arrêté par la police. Gombo n’a pas pu acheter de préservatifs, mais il a acheté une télévision et un vélo. Sur le chemin qui le ramène à la yourte, Gombo fait une rencontre onirique : Gengis Khan, accompagné de son armée et de sa femme. Comment interpréter cette scène ? Comme une critique de la modernité (au cours de la scène, la télévision est détruite) et/ou comme un rappel à Gombo de ses origines (dont il devrait être fier) ? Le film est muet, et le spectateur est libre de croire ce qui lui convient.

The Genghis Kahn mausoleum (1995) / Le mausolée de Gengis Khan (1995)

While not tied to the movie, the fact is that the figure of Genghis Khan was a bit sensitive in Inner Mongolia (China) : the authorities were unwilling to have this figure used for separatist reasons, and several efforts were made to control how his image could be used, especially politically. The burial place was seriously damaged during the Cultural Revolution in 1968. It was in 1982 (under Deng Xiaoping’s policy of Opening Up) that Genghis Khan mausoleum was officially opened and promoted both as a touristic and educational attraction.

Bien que cela n’ait aucun rapport avec le film, le personnage de Gengis Khan était en réalité un sujet quelque peu sensible en Mongolie intérieure (Chine) : les autorités ne souhaitaient pas que ce personnage soit utilisé à des fins séparatistes, et plusieurs mesures ont été prises pour contrôler l’utilisation de son image, en particulier à des fins politiques. Le lieu de sépulture a été gravement endommagé pendant la Révolution culturelle en 1968. C’est en 1982 (dans le cadre de la politique d’ouverture de Deng Xiaoping) que le mausolée de Gengis Khan a été officiellement ouvert et promu à la fois comme attraction touristique et éducative.

The dreamlike scene with Genghis Khan and his wife / La scène onirique avec Gengis Khan et son épouse

After that, he is back to his yurt. The family discovers all the objects and plug the TV in. It starts with a speech with Russian and American officials. The image on TV shifts to the steppes. Gombo’s wife is here. She asks Gombo to follow her. Despite Gombo’s failure to fulfill his mission, his wife obviously accepts to have sex with him. The movie ends with the narrator’s voice explaining that he is their fourth child conceived this day. The place they were living before is now a factory.

Après cela, il retourne dans sa yourte. La famille découvre tous les objets et branche la télévision. Elle commence par un discours prononcé par des responsables russes et américains. L’image à la télévision passe ensuite aux steppes. La femme de Gombo est là. Elle demande à Gombo de la suivre. Malgré l’échec de Gombo dans sa mission, sa femme accepte manifestement d’avoir des relations sexuelles avec lui. Le film se termine par la voix du narrateur expliquant qu’il est leur quatrième enfant conçu ce jour-là. L’endroit où ils vivaient auparavant est désormais une usine.

Gombo’s wife with her horse on the TV monitor / La femme de Gombo avec son cheval sur l’écran de télévision

The beautiful steppes filmed in Urged echoed another major theme of the era : several ecological and natural disasters impacted the Soviet Union. While not a “wasteland”, the country faced several challenges due to poor planning, safety measures and standards. Especially nuclear and chemical ones (Sverdlovsk anthrax leak in 1979, Kyshtym disaster in 1954…). The most famous was the Chernobyl disaster in 1986. Another infamous one was the Stipak (Armenia) earthquake in 1988 (between 20000 and 50000 dead). The Armenian earthquake and the Chernobyl disaster led to a protest in 1988 against the Metsamor Nuclear Power Plant (Armenia) in Yerevan. The decision was finally taken by the Council of Ministers of the Soviet Union to shut down the two existing units. We can also mention the Aral sea disaster : poor planning to create an irrigation system in the region led to the near-disappearance of the sea.

Les magnifiques steppes filmées dans Urged faisaient écho à un autre thème majeur de l’époque : plusieurs catastrophes écologiques et naturelles ont frappé l’Union soviétique. Sans être un « désert », le pays a dû faire face à plusieurs défis en raison d’une mauvaise planification et de normes et mesures de sécurité insuffisantes. Notamment dans les domaines nucléaire et chimique (fuite d’anthrax à Sverdlovsk en 1979, catastrophe de Kyshtym en 1954…). La plus célèbre fut la catastrophe de Tchernobyl en 1986. Une autre catastrophe tristement célèbre fut le tremblement de terre de Stipak (Arménie) en 1988 (entre 20 000 et 50 000 morts). Le tremblement de terre en Arménie et la catastrophe de Tchernobyl ont conduit à des manifestations en 1988 contre la centrale nucléaire de Metsamor (Arménie) à Erevan. La décision a finalement été prise par le Conseil des ministres de l’Union soviétique de fermer les deux unités existantes. On peut également mentionner la catastrophe de la mer d’Aral : une mauvaise planification de la création d’un système d’irrigation dans la région a conduit à la quasi-disparition de la mer.

From left to right : Aral sea (1988 and now), Chernobyl reactors and the Holy Saviour’s Church in Gyumri after the 1988 earthquake / De gauche à droite : la mer d’Aral (en 1988 et aujourd’hui), les réacteurs de Tchernobyl et l’église Saint-Sauveur à Gyumri après le tremblement de terre de 1988.

That’s one of the latest movies made during the Soviet Union’s existence. What could it say about this disappearing country ? Like many movies made during the troubled times in the Soviet Union, a lot of them were not dealing with traditional Soviet themes. Most of them were exploring freely social taboo, comedic themes, love, action sometimes too… and more timeless themes (“Urga” is the typical example). If we should understand the state of this disappearing country through a cinematic lens : the fact is that the dream incarnated by the Soviet Union was not appealing anymore.

C’est l’un des derniers films réalisés pendant l’existence de l’Union soviétique. Que pourrait-il dire sur ce pays en voie de disparition ? Comme beaucoup de films réalisés pendant la période troublée de l’Union soviétique, la plupart d’entre eux ne traitaient pas des thèmes traditionnels soviétiques. La plupart exploraient librement les tabous sociaux, les thèmes comiques, l’amour, parfois aussi l’action… et des thèmes plus intemporels (« Urga » en est l’exemple typique). Si l’on doit comprendre l’état de ce pays en voie de disparition à travers le prisme cinématographique, le fait est que le rêve incarné par l’Union soviétique n’était plus attrayant.

Or at least, especially when viewing Urga, people were dreaming of other things : endless steppes and kindness.


Ou du moins, surtout en regardant Urga, les gens rêvaient d’autres choses : des steppes infinies et de la gentillesse.

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